Il y a des centaines de définitions ou d’articles sur ce terme de « transformation digitale » ou « transformation numérique ».
Ma définition de ce terme, issue de mes lectures, mon expérience et mes convictions est la suivante :
La transformation digitale, c’est le processus par lequel l’entreprise a choisi de modifier en profondeur son organisation, sa culture, son fonctionnement, ses processus pour exploiter pleinement les possibilités des nouvelles technologies numériques liées à Internet.
Avant d’expliciter comment et pourquoi choisir de démarrer ce processus pour une entreprise, nous pouvons nous demander ce qu’il y a derrière cette révolution numérique.
La révolution numérique est sans doute de la même catégorie que la révolution agricole ou la révolution industrielle. Les progrès technologiques liés à l’informatique et Internet ont provoqués un bouleversement majeur de notre société au même titre que la machine à vapeur ou l’électricité. Nous sommes depuis plusieurs dizaines d’années dans ce moment pivot où l’histoire est en train de s’écrire, où les ruptures sont en cours, devant nous.
(Ce qui rend encore plus complexe la situation, c’est que cette rupture est concomitante à d’autres avec des enjeux vitaux pour l’humanité – rupture démographique – rupture écologique – etc… . Je vous conseille cette vidéo de Marc Halévy qui décrit très bien l’ensemble de ces ruptures)
Quelles sont les caractéristiques d’Internet et de ces nouvelles technologies ?
Internet a cinq caractéristiques majeures qui induisent un changement profond de paradigmes qui remettent en cause beaucoup de choses :
- Le temps réel va avec Internet. Il n’y a plus de barrières temporelles.
- Internet est universel, chacun peut accéder à la multitude.
- Internet avec la mobilité repousse également les limites de l’espace.
- Les objects connectés font entrer Internet encore plus dans le monde physique et vont permettre des passerelles à l’infini.
- Internet produit une infinité de datas, de savoir et les nouvelles technologies donnent la capacité non seulement de traiter ces datas mais aussi d’apprendre et donc de produire de manière automatique de la nouvelle data intelligente !
Ces cinq points sont chacun en soit des ruptures qui entraînent des changements forts dans beaucoup de domaine. Mais surtout, grâce à cela, les changements liés à l’apport de ces technologies se fait de manière exponentielle.
La révolution ou rupture en cours se fait sur la base d’une croissance exponentielle jamais vue.
J’aime bien ce petit schéma issu de l’excellent ouvrage de Salim Ismail – Exponential Organizations que je ne peux que vous recommandez. Il montre que grâce à la multitude, une application peut passer le milliard d’utilisateurs en 18 mois !
C’est la compréhension de ce phénomène qui devrait faire prendre conscience que cette rupture va bouleverser en profondeur nos entreprises, nos métiers, nos vies…et cela à un rythme jamais connu par l’humanité.
Tous ces changements sont en cours, il est impossible de savoir quels sont les usages qui vont se mettre en place et quelles sont les applications qui vont devenir des standards. Mais déjà comprendre en quoi la multitude change la donne est une clé de lecture primordiale avant de se lancer dans un processus de transformation numérique. Le livre de Nicolas Colin et Henri Verdier, « L’Age de la multitude », donne pas mal d’exemples pour comprendre ce point.
Qui est touché ? Est-ce que toutes les entreprises doivent se transformer ?
Tous les secteurs d’activité sont touchés, tous les métiers sont concernés.
Pour s’en convaincre, il suffit de prendre un peu de recul sur nos propres vies :
- Comment achetiez-vous un voyage en 2000 et maintenant ?
- Comment cherchiez-vous une information en 2000 et maintenant ?
- Comment faisiez-vous vos achats en 2000 et maintenant ?
- Comment communiquiez-vous avec vos proches en 2000 et maintenant ?
- etc…
Pour autant, devons-nous tout changer, tout de suite ? Devons-nous avoir peur ?
Sans doute que non, mais il faut tout de même se mettre en mouvement et, chacun à son niveau, ne pas se laisser dépasser car les évolutions en cours sont très rapides et peuvent remettre en cause la mission d’une entreprise ou la fonction d’un métier presque du jour au lendemain.
Se mettre en mouvement pour chacun d’entre nous signifie d’abord la prise de conscience que nous devons nous informer en permanence et nous former.
Se mettre en mouvement pour une entreprise signifie d’abord la volonté de tous les acteurs (Actionnaire / Dirigeant / Management / Salariés) de déclencher ce processus de transformation.
Enfin, la question est plus, à mon sens, de définir le degré de transformation de l’entreprise qui doit faire avec sa réalité économique, la réalité du marché et des besoins de ses clients et surtout avec la réalité de ses moyens notamment humain car la clé de voute de cette transformation reste la capacité d’apprentissage et donc le capital humain.
Quelle stratégie pour une entreprise souhaitant se transformer ?
La seule stratégie dans un environnement aussi complexe et aussi changeant ne devrait porter que sur la mise en place d’une organisation au sein de l’entreprise capable de livrer des produits et des services très rapidement afin de les confronter à la réalité des besoins des clients et de les ajuster pour les rendre les plus en adéquation possible avec la réalité du marché.
Si on s’en tient à cela, on s’aperçoit que la stratégie commence d’abord par l’exécution car une caractéristique majeure des entreprises du digital est leur capacité à maitriser le cycle « Concevoir, Mesurer, Apprendre ».
Cette stratégie doit irriguer toutes les composantes de l’entreprise et ne doit pas se confondre avec la stratégie d’innovation qui est un autre processus.
Avant de produire de l’innovation, une entreprise peut profiter des possibilités offertes par Internet pour améliorer son fonctionnement et suivre les évolutions de ses clients et de leurs besoins.
Ce qui est donc le plus important, ce n’est plus la stratégie mais la qualité et la rapidité de l’exécution. Très peu de succès de Startup s’expliquent par l’idée initiale, mais par la capacité de l’équipe à s’adapter, à pivoter pour trouver les usages avec le bon business model.
Quelques livres proposent un découpage en chantier pour organiser le processus de transformation, on peut citer bien sûr le livre de Gilles Babinet – « Transformation digitale : l’avènement des plateformes » (voir synthèse sur ce blog), celui de Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier – « Le guide de la transformation digitale » ou encore celui de Lydia Babaci-Victor et Jean-Christophe Victor – « Révolution digitale : transformer la menace en opportunités »
Quelles sont les caractéristiques des entreprises les plus avancées sur le numérique ?
Afin de définir un plan d’action pour avancer sur le processus de transformation digital, il est toujours bon d’apprendre des entreprises les plus avancés sur le digital et de comprendre les nouveaux paradigmes à mettre en oeuvre. Un des meilleurs livres pour comprendre ces caractéristiques est « Exponential Organizations » de Salim Ismail.
J’ai résumé ces caractéristiques sur le schéma ci-dessous.
La première caractéristique d’une entreprise digitale à croissance exponentielle est sa raison d’être. Sa culture se forge à partir d’une vision très forte qui a une force de conviction auprès des clients et des collaborateurs de l’entreprise.
Quelques exemples :
- Vision de Ted : Ideas Worth Spreading
- Vision de Google : Organize the world’s information
Ensuite, ces entreprises essaient de trouver un équilibre entre la créativité à tout prix et le pilotage et le contrôle.
Organiser l’entreprise pour libérer la créativité et grossir malgré l’incertitude
- Flexibilité et spécialisation des ressources humaines. Pour aller vite et être le plus agile possible, il est nécessaire de s’appuyer sur des ressources externes à l’entreprise et se baser sur ce levier pour grossir vite.
- S’appuyer sur des communautés et sur du collaboratif en mode ouvert. On retrouve ici la notion de multitude, il est nécessaire de s’appuyer sur des communautés de clients pour faire emmerger la créativité, innover, valider les prototypes et même lever des fonds.
- S’appuyer sur la data et la capacité des algorithmes : c’est une caractéristique majeure, les évolutions du machine learning et du deep learning permettent aujourd’hui d’apprendre vite et surtout d’optimiser énormément les opérations et donc accentuent fortement la qualité de l’exécution.
- S’appuyer sur des actifs externes et n’internaliser que ce qui fait la valeur. Plutôt que d’essayer de posséder des actifs, les entreprises digitales louent, partagent des actifs pour rester agile et peuvent même externaliser des actifs critiques (par exemple Facebook et Tesla partagent leurs R&D)
- Créer le sentiment d’engagement et fédérer autour de la mission. Cela s’opère souvent par un contrôle précis de la réputation sur les réseaux sociaux, une forte gamification, des prix incitatifs pour créer un effet de réseau et de retours positifs. Cela passe aussi en mettant réellement l’utilisateur au centre de sa politique produit et en soignant le design.
Piloter, contrôler et garantie une stabilité
- Déployer une stratégie d’interface performante (API’s, Plate-forme, Design et Ergonomie). Cette caractéristique est très bien expliquée dans le livre de Gilles Babinet , les entreprises du digital sont avant tout des plateformes, elles s’intègrent dans un éco-système en l’organisant parfaitement et en rendant totalement fluide son accès aux utilisateurs.
- Mesurer en permanence et piloter via Dashboards (Lean Value, growth metrics, learning metrics, OKRs, etc…) Les termes ne manquent pas dans ces organisations, pour décrire les systèmes de mesure de la performance. C’est au coeur du fonctionnement, la performance est suivie en temps réel grâce à des tableaux de bord qui s’ajuste et évoluent en permanence.
- Tester, Expérimenter, Apprendre. La méthode vedette de ces entreprises est sans aucun doute le Lean startup (voir le livre d’Eric Ries – « Lean Start-Up). Celle-ci décrit les principes pour construire rapidement un prototype, mesurer les résultats, tester auprès de client early adopter et enfin apprendre et ajuster. Cela va avec également la culture de l’échec et la possibilité pour les collaborateurs d’échouer.
- Rendre les équipes autonomes et organiser un réseau. Les organisations des entreprises digital ne sont pas hiérarchiques mais basées sur un format en réseau. Les équipes sont assez petites, pluri-disciplinaires et très décentralisées.
- Développer les échanges horizontaux via des plateformes sociales. Des outils de collaboration sont largement déployés avec un partage de la connaissance, une transparence et des mécanismes d’apprentissage organisés.
Des réflexes qui ne le sont pas…
Je finis cet article sur la transformation digitale par une série de réflexes qui facilitent le processus de transformation numérique au sein d’une entreprise, largement inspirée de l’excellent fascicule de Cecil Dijoux – « Ce que signifie l’avénement du numérique ».
- Devenir un obsédé de son client et le mettre dans le processus de conception de ses produits ou ses services
- Se mettre dans les shoes de ses clients et améliorer sans cesse son expérience avec trois maîtres mots : Fluidité / Rapidité / Simplicité
- Echanger avec ses clients, Suivre leur satisfaction et prendre soin de sa marque, susciter l’engagement
- Développer une véritable communauté autour de sa marque, travailler le contenu autour de la vision de sa marque, surveiller sa réputation en ligne et enfin s’appuyer sur des influenceurs
- Entrer dans un cycle continu de livraison de produits et de services et faire du Build-Mesuere-Learn une réalité opérationelle
- Découper les ambitions et les projets en petits lots
- Découper les organisations en petites équipes pluridisciplinaires et autonomes disposant de toutes les compétences pour avancer sur un sujet à valeur ajoutée pour le client
- Privilégier des outils fluides et intuitifs avec trois caractéristiques importantes : mobile-social et cloud
- Le rôle du manager doit être de rendre autonomes les équipes et les mettre en condition de réussir (étude intéressante de Google sur les points clés d’un manager)
- Mettre en place un système d’apprentissage et non un système de gestion de la connaissance
- Colocaliser les équipes en un seul open space
- Penser mobile avant tout
- Mettre la data au coeur de ses opérations en structurant la récolte, le stockage, l’exploitation et les tableaux de bord
- Connecter tout ce qui peut l’être en lien avec ses produits et ses services et le relier à sa stratégie Data
- Utiliser systématiquement le mode projet agile sur les nouveaux produits et services pour tester vite, mesurer et apprendre
- Investir dans des outils et des méthodes pour raccourcir les cycles
>> Découvrez la synthèse du livre de Gilles Babinet sur la transformation numérique